\ Boulevard de Clichy / (Terminé.)

( Ce rp ce passe environ 1mois après le post *~* Le Folie's Pigalle *~*)

La nuit, ah Paris et la nuit, une nouvelle aura, une nouvelle atmosphère, une nouvelle ville. Paris se transforme, se... métamorphose lorsque le soleil laisse place à la lumière caressante de la lune. Paris by Night, c'est surtout Pigalle et le boulevard de Clichy, car c'est à la nuit tombée que cette partie endiablée de la ville se met en mouvement. Sex shop en tout genre, boutiques extravagantes, night club, et surtout, les cabarets de Paris. Bien qu'en terme de cabaret seul le Moulin Rouge soit reconnu après avoir, au fil des années, évincé tout ses concurrents. Mais certains se sont adaptés aux nouvelles demandes de ce siècle, c'est ainsi que l'ancien petit cabaret, et boite de strip-tease, le Folie Pigalle c'est vu rajouter une 's pour devenir une boite de nuit au nom du Folie's Pigalle. Ca faisait peut être plus branché...?.

Mais passons sur les détails, surtout des détails qui ont déjà été expliqué précédemment. Ce soir sur le boulevard Clichy l'animation va être légèrement différente, aussi chaude certes, mais pas pour les même raisons. Faisons donc un zoom vers le Folie's, dont l'enseigne géante, colorée et lumineuse clignote toujours autant. Mais en ce début de soirée, notre night club préféré n'a pas encore ouvert ses portes, ce qui n'empêche pas certaines personnes d'être déjà sur le pied de guerre pour être les premiers à rentrer.
Derrière le bruits des voitures et de la foule qui commence à s'éveiller, une voix, grave, et plus...énervée que les autres dirons nous, se fait entendre vers la sortie des artistes du Folie's. Les quelques personnes devant la boite commencent à tendre l'oreille et à s'approcher, car, la curiosité est un défaut humain après tout. Le ton monte, se rapproche de la porte, une voix féminine se fait entendre, sur le même ton, voire même plus autoritaire que celle masculine.

La porte des artistes s'ouvre à la volée tandis que certains clients font mines de ne pas être concernés et d'autres continuent de regarder sans gène.

"NE POSEZ PAS VOS MAINS SUR MOI ! TOUCHEZ MOI ET JE VOUS JURE DE VOUS ETOUFFER AVEC VOTRE PROPRE LANGUE !"

La voix féminine qui était à la porte a à présent un visage. En effet il s'agit de la chouchoute du club, Diana Diams, qui sort l'air dans une fureur noir de la boite, toujours en tenue de cabaret, avec son manteau mit sur elle à la va vite et un sac à son bras. Elle est très vite suivis d'une homme, petit, l'air pervers dans son allure autant que dans son regard.

- Tu crois vraiment t'en sortir comme ça Angeal ?! Je ferai en sorte que plus personne ne désire t'emboucher sale ******* !
- Allez au diable !
- Rentre avec moi pour me faire tes excuses et nous pourrons oublier tout ça et discuter d'une promotion.
- AH ! Plutôt crever ! Je n'ai pas besoin de vous pour trouver un boulot ! Surtout pas de la sorte ! Vous n'êtes qu'un sale pervers, manipulateur, profiteur petit, gras et moche !

Angeal continuait à s'éloignait tandis que ses dernières paroles firent entrer ce qui semblait être le gérant dans une colère noire. En lui montrant son poing, mais sans bouger de sa porte, la boss lui jetait des mots à la figures, et pas forcément les plus jolis de la langue française...
Angeal se retourna pour lui faire deux doigts et les cornes de taureau, puis tourna à nouveau les talons pour reprendre sa route vers la rue principale.
Elle tenait fermement son sac contre elle, et bien qu'un rictus de colère venait assombrir son visage d'ange, si l'on regardait de plus près, ses magnifiques yeux brillaient. De la colère ? Elle était touchée ? A cause des nerfs ? Peut être les trois...

- C'est comme qui dirait une nuit ou on aurait mieux fais de rester couché...

Elle se mordit la lèvre tandis que les personnes des alentours la dévisageaient.

Ce n'était pas vraiment le genre d'endroit où Alban aimait se trouver.

Depuis la poignée de jours où il avait élu domicile dans les rues suintantes de Montmartre, il avait appris à éviter certains endroits. Ce boulevard là était en l'occurrence le lieu à éviter le plus possible. Mais malheureusement, le chemin le plus court entre deux points étant la ligne droite, et Alban n'était pas d'humeur à se frotter aux gangs rivaux des vieux quartiers de Paris, il avait pris sur lui et avait coupé par Pigalle.

Les lumières étaient envahissantes, oppressantes, presque aveuglantes. Chacune essayait d'attirer l'attention au détriment de l'autre comme autant de journalistes hurlant pour qu'un quelconque politicien réponde à leur question, se bousculant, se poussant, se pressant, marchant les uns sur les autres sans aucune considération pour leur prochain.
C'en était étouffant.

L'avenue était animée comme en plein jour, avec des rires, de la musique... Et même si Alban parvenait à saisir un mot par ci, par là, il était incapable de comprendre la teneur des phrases échangées par les badauds. Ça l'avait dérouté au début mais il avait fini par s'y faire et même s'il n'était pas du genre bavard (du moins pas assez pour pratiquer la langue nationale) il exerçait son oreille à reconnaitre certaines tournures de phrases, certains mots, si bien qu'il était en bonne voie de comprendre la langue parfaitement.

Errant dans le boulevard bondé, vêtu de sa veste ruinée, de sa chemise en lin et d'un jean qui avait connu des temps meilleurs, pieds et tête nus, il marchait les mains dans les poches. Il aimait l'ambiance du Paris nocturne dans les quartiers calmes. La Butte était d'une beauté saisissante le soir, lorsque le soleil laissait place à une flambée de lampadaires dont la lumière lointaine vacillait sous la vitre quasi-opaque de pollution.
Oui, Alban aimait la tranquillité. Et pourtant c'était Paris qu'il avait choisi. Ou peut être c'était la ville qui l'avait choisi, il n'en savait trop rien, et cette réflexion occupait ses journées à lambiner sur le trottoir et ses nuits à errer à la recherche d'un endroit calme où dormir.

Quelque chose se tramait pourtant, Alban pouvait le sentir dans le fond de l'air, comme une odeur latente de colère, une lourdeur électrique comme un orage sur le point d'éclater. Il ne lui fallut pas attendre une minute pour savoir d'où cela venait.

Une femme sortit d'une boite particulièrement éclairée, visiblement en colère. Des scènes comme ça, il en voyait tous les jours, pourtant quelque chose chez cette femme attira son attention. Il était fasciné, comme un enfant devant un serpent venimeux, comme une petite fille devant une grosse araignée. Il ne pouvait soustraire ses yeux à cette vision étrange, enregistrant chaque geste, chaque parole, chaque expression, même sans en comprendre le sens. Et la femme fit un geste qui lui donna des frissons d'anticipation.
Le poing fermé, l'index et le majeur levés dans un geste de défi, d'insulte, d'outrage, la jeune femme adressait le salut des archers saxons aux chevaliers français à cet homme. Ce n'était qu'un petit geste, à peine visible dans le tumulte de la foule, et pourtant il donna l'impression à Alban d'être de retour au pays. Il pouvait presque sentir l'odeur du Stew de sa mère mijoter sur la cuisinière en fonte. C'était un geste qu'il n'avait pas vu depuis des années, et pourtant il lui semblait que sa lutte contre les Black and Tans avait pris fin la veille.

Un homme entra en contact avec son dos, le poussant pour se frayer un chemin parmi les voyeurs regroupés autour de la scène, et Alban fut tiré de sa rêverie. La magie s'était évaporée, et si elle n'avait duré qu'un instant, elle l'avait laissé ivre de bonheur, sa peau arborant toujours la chair de poule.
Il passa une main distraite dans sa barbe naissante de couleur rouge feu, contrastant terriblement avec ses cheveux noirs et la couche de crasse épaisse de ses joues et de son cou, puis il reprit sa route en rêvant à de verts pâturages et à des collines aux courbes exquises, douces, arrondies par l'érosion.

Un jeune homme le bouscula encore une fois, et se mit à lui jeter ce qui ressemblait à des insultes à la figure. Alban était pris au dépourvu. Il ne savait pas quoi faire. Il regarda l'homme, passant d'un œil à l'autre, confus et à la fois craintif, ses instincts lui murmurant déjà qu'il faudrait sans doutes en venir aux mains...

"I... I'm sorry, I was daydreamin', I didn't see ye..." dit-il, son lourd accent irlandais rendant ses paroles encore plus incompréhensibles pour son interlocuteur

- Foutue soirée....foutue Paris....foutue foule...foutue gérant...

Angeal avait comme un certain gout d'amertume dans le fond du palais, qui descendait même jusqu'à la gorge. Oui, ça lui restait en travers de la gorge cette histoire. La virer alors que c'était le meilleur élément du Folie's, tant pis pour lui, il s'en mordra les doigts cet abruti.
Le regard de la foule qui la dévisageait ne la dérangeait pas, après tout, elle avait l'habitude, c'était un peu son boulot. Mais ce soir, c'était gênant, elle avait pas eu le temps de se changer, puis avec toute cette agitation, les regards qui glissaient sur elle devenaient presque mal-sain. Il fallait de plus qu'elle se fraye un chemin à travers de la foule de plus en plus nombreuse au fur et à mesure que la nuit avançait.
Elle retenait ses larmes, avec mal, mais elle les retenait. Car un vampire comme elle qui pleure...c'est comment dire, assez voyant. Ses yeux étaient rouges, elle renifla discrètement en ignorant les appels de passants douteux. Le genre de "Salut ma belle" "Hey viens par là !" et je passe les moins élégants. Elle avait une envie folle de foutre un poing à l'un d'entre eux en leur criant une insulte bien corsée, mais sa gentillesse naturelle étant ce qu'elle est, elle se faisait violence.

"Non Angeal, tu le sais que c'est mal de répondre à ce genre de provocation. Et l'autre moche là? Oui mais lui, c'était pas pareil, si j'avais pas réagis... Si t'avais pas réagis..? Nous connaissons la suite. Oh que oui."

Une grimace de dégout se forma sur son visage tandis qu'elle marchait toujours, décidée à prendre le métro. Mais sa course fut freinée par une main qui lui attrapa l'épaule pour la tourner.

- Hey toi, y'a un hôtel pas loin, tu m'accompagnes?

Angeal serra les dents, si fort qu'on pouvait entendre sa mâchoire qui craquait. Ce n'était décidément pas le bon jour. Elle lui attrapa la main et le regarda dans les yeux, cela sembla suffire à le faire revenir sur sa décision.

- ça va ça va, j'rigolais...

Il la lâcha et partit de son coté. Il faut dire qu'à coté de son air d'ange Angeal pouvait aussi sembler avoir les flammes de l'enfer au fond de son regard, un petit plus hérité de sa mère.
Après avoir laissé échapper une insulte copieuse d'entre ses lèvres elle commença à se tourner pour repartir, cependant une scène attira son regard.
C'était une des personnes qui c'était arrêtée pour la regarder, mais elle n'avait pas bien fais attention. Ce qui la marqua en premier c'était son regard, d'un bleu si clair et si perçant, que sa douceur et sa clarté aurait pu la consumer plus ardemment qu'un bûcher. Ensuite c'était son odeur, elle la connaissait cette odeur, elle avait l'habitude de la sentir. Puis troisièmement ce fut ses paroles, de l'anglais, un accent aussi dure qu'une buche, tout bonnement un étranger.

"Un touriste en cette saison?...Mh, non."

A la vue de sa tenue vestimentaire elle en déduisit très vite qu'il n'en était rien. Mais qu'est-ce qu'un étranger faisait ici dans cet état?

"Et lui la, qu'est-ce qu'il a à l'insulter comme ça?! Ils ont choisis leur jour tous ma parole ! Mais j'vais finir par faire un meurtre !"

Voyant que la situation semblait pour lui aussi peut enviable que la sienne il y a à peine quelques minutes, Angeal prit le partie de s'interposer, après tout, il était franchement mignon, il faut l'avouer, et il n'avait pas l'air d'un mauvais bougre.

- Oh ! Calme toi ! Tu vois pas qu'il est étranger et qu'il s'excuse ! T'es con à c'point pour pas comprendre "I'm sorry" ?

Angeal se mit entre lui et l'inconnu aux yeux bleus. Celui qu'elle avait en face ? Le monsieur je suis le roi du monde en puissance. Le ton commençait à monter venant de l'homme, et même si il faisait mine de vouloir en venir aux mains, il n'allait pas jusqu'au bout. Il faut dire qu'Angeal avait le don pour enfoncer les gens en restant polis et toute souriante. Elle dégageait une sorte d'aura qui semblait empêcher d'en venir à la violence, et puis sa répartie ne faisait que faire tomber les autres plus bas en leur montrant leur débilité et leur bassesse.
Enfin l'idiot trop pressé finit par se trouver à court d'insultes et d'arguments, et avec un geste de main, il partit, l'égo à ramasser à la petite cuillère.
Angeal soupira puis se tourna vers le l'inconnu aux beaux yeux.

- Are you okay? lança t-elle avec un magnifique accent français.

C'était au moment où la tension atteignait des sommets dangereux que la jeune femme qu'Alban identifia instantanément comme la porteuse du geste saxon intervint. Elle s'interposa physiquement entre lui et son agresseur, envahissant son espace vital et le soustrayant à la vue de l'inconnu, mais bizarrement cela ne le dérangeait pas. Il s'enivra presque instinctivement de son odeur: porteuse de promesses, de douceur, de sauvagerie, de sang également, de violence et de volupté. C'était presque insupportable pour lui qui n'avait connu que l'odeur des bourbiers irlandais, des plaines enneigées d'Alaska et celle, nettement moins attrayante, de la ville de Paris qui lui rappelait un peu l'odeur des œufs pourris. Elle était d'une beauté saisissante, à un point si élevé que c'en était presque terrifiant, Alban fit un pas en arrière sans s'en rendre compte. Cette femme avait l'odeur d'un prédateur, d'une bête. Il l'aurait associée à un monstre gigantesque et terrifiant s'il n'avait pas vu à quoi ressemblait sa propriétaire. Et pourtant elle était magnifique, à en couper le souffle.

Le passant hargneux finalement mis en déroute, elle se retourna pour lui faire face. Et là, comme une épiphanie, comme un châtiment terrible et une promesse lumineuse de rédemption, ses yeux merveilleux accrochèrent les siens, d'ordinaire fuyants. Il ne put détourner le regard. C'était comme s'il était soudé au sien. Il avait beau y mettre toute sa volonté, rien n'y faisait.

Elle était proprement éblouissante. L'ange de l'apocalypse descendu sur terre, annonciateur de tourments et de châtiments, de purification et d'accomplissement. C'était une terrible sentence qui s'abattait sur lui alors que son cœur tambourinait au point que ses yeux en furent baignés de larmes.
Il se sentait stupide. Comme un adolescent face à une Lady distinguée. Ses genoux tremblaient et sa bouche s'ouvrait et se fermait sans parvenir à produire le moindre son.
Il perdait toute contenance et ne savait que faire pour y remédier.

"Are you okay?"

Elle avait parlé, c'était certain. Il en était quasiment sûr, il avait entendu le son de sa voix, doux, assuré, rassurant, et directement adressé à lui. C'était déroutant. Il ne savait plus où se mettre. Le vent souffla dans ses cheveux hirsutes et gras, et c'était comme si le temps s'était arrêté. Ils se regardaient dans les yeux. La lune peinait à percer l'épaisse couche de nuages. Ses pieds nus râpés par le goudron suintant. Et cette femme en face de lui.

Était-ce de l'amour? Ca n'avait pourtant rien à voir avec ce qu'il avait ressenti en rencontrant Evelyn à Dublin, en 1917. C'était autre chose. C'était animal. Viscéral.

Il fallait qu'il réponde ou elle finirait par se poser des questions. Il devait trouver quelque chose à dire. Et vite. Tel Jésus marchant sur l'eau, tel Moïse ouvrant la mer Noire, tel Indiana Jones faisant le saut de la foi dans le IIIème opus, il s'élança et balbutia:

"Errr... T'anks. I'm... I'm fine. I owe ye. I... I'm sorry... Ye is from 'round here?"
(VF: Euh... Merci. Je... ça va. Je vous dois une fière chandelle. Je... Je suis désolé. Vous êtes du coin?)

Il ne savait pas vraiment quoi répondre d'autre. Peut être qu'il l'importunait? Cette pensée lui hérissa les poils. Elle venait de le sauver et il la retenait! Elle devait être en retard, pressée, enfin, elle avait sûrement d'autres choses à faire que de discuter de la météo avec lui! Il eut un léger mouvement de recul pour rompre l'alchimie saisissante entre eux.

"I'm sorry, I didn't mean to delay ye... T'was very nice o' ye, t'anks very much ma'am. T'anks very much."
(VF: Je suis désolé, je ne voulais pas vous mettre en retard... C'était vraiment gentil de votre part, merci beaucoup madame. Merci beaucoup.)

"Ouh.." C'est la seule chose que pensa son esprit et ses multiples personnalités.
Ils étaient magnifiques ces yeux, ah ces yeux, de la même couleur que la mer quand elle était agitée. Ca lui rappelait son chez soi, enfin, son ancien chez soi, quand elle allait voir les vagues s'écraser violemment contre la roche lors des fortes rafales avec sa mère. Elle eu un frisson qu'il lui parcourut le corps, invisible, imperceptible, et pourtant bien là. Il était beau, du moins, ce n'était pas la beauté conventionnelle que l'on attendait de la star américaine ou du bel homme italien ou français. Non c'était....c'était autre chose, impossible de dire quoi, un petit quelque chose, une force intérieure, une pureté, un charme, et ce malgré les traces de saleté et ses vêtements sales. En fait ça rajoutait même du charme dans un sens. Et surtout, il mettait d'accord toute ses personnalités sur le même point "Bonne pioche" et ça c'était rare.

Elle leva un sourcil, on aurait dis qu'il avait peur, un peu comme un enfant en face de son idole ou quelque chose comme ça, de l'admiration et de l'intimidation, et elle trouvait ça terriblement adorable. Elle eu un sourire en le voyant se perdre dans son regard, c'était bien la première fois qu'on la regardait avec un regard qui voulait dire autre chose que "Ouah t'es bonne j'ai bien des idées de ce qu'on pourrait faire tout les deux." Non, lui c'était un regard doux, fasciné, apeuré. Elle se sentait presque prédatrice, ça lui plaisait sans lui plaire.

"On est d'accord sur le point que ça fait plaisir de voir un homme qui regarde les yeux d'une femme et pas plus bas. J'avoue."

Puis il entreprit le dure périple de lui répondre, du moins c'est ce qu'il montrait.

"Errr... T'anks. I'm... I'm fine. I owe ye. I... I'm sorry... Ye is from 'round here?"

Mh, elle parlait anglais certes, mais les accents, ça c'était une autre histoire. Elle fronça les sourcils, dans une moue adorable de quelqu'un qui se force à écouter et comprendre ce que dit quelqu'un, car Angeal est très expressive. Puis sans lui laisser le temps de finir de comprendre ou de répondre, il reprit assez vite, avec à nouveau cette espèce de crainte....

"I'm sorry, I didn't mean to delay ye... T'was very nice o' ye, t'anks very much ma'am. T'anks very much."

Elle passa sa main dans ses cheveux argentés ,qui prenaient tour à tour les reflets des lumières environnantes, avec un petit sourire crispé. Elle avait effectivement beaucoup de mal à comprendre avec son accent, déjà que sans parfois c'était limite....

"Euh....Delay? J'sais plus...nice, thanks, ouais j'comprend en gros...C'était quoi sa question précédente ? Euh....ah oui, d'où j'viens je crois...Ouais bah répond lui avant qu'il parte en courant ! Rho ça va !"

Avec une petite voix mal assurée et plus timide du fait de son mal de compréhension, elle tenta de lui donner une réponse convenable et compréhensible.

- Mh euh....You don't...disturb me....I'm from the south of the France but....I live here now....
(Mh euh...Vous ne...me dérangez pas...Je suis du sud de la France mais...Je vis ici maintenant...)

Elle se touchait le visage, le nez, la bouche, puis la joue. C'était des tics nerveux qu'Angeal avait à certains moments, comme lorsqu'elle stressait ou qu'elle était mal à l'aise. Angeal avait beaucoup de mal à parler une langue étrangère même si elle la connaissait, c'était une sorte de peur de se tromper même si ce n'est en rien grave. Elle se racla la gorge avant de reprendre, toujours aussi peu confiante envers son anglais.

- And...you ? Why are you here....like that...
(Et...vous? Pourquoi êtes vous là?...comme ça...)

Elle montra ses vêtements d'un geste rapide.

- And with your accent....where do you come from?
(Et avec votre accent...d'où venez vous?)

Mh euh....You don't...disturb me....I'm from the south of the France but....I live here now....

L'accent de l'inconnue était si beau, si enchanteur, qu'Alban aurait voulu se jeter à genoux et lui embrasser les chevilles comme un adorateur se prosterne devant une idole, une nymphe, une déesse. C'était une rencontre sans précédent, et au fond de lui il espérait qu'elle se poursuivrait. Il avait envie d'apprendre à la connaitre. Il avait envie de la voir rire, de la voir pleurer, d'être là pour elle, de la réconforter, de la secouer, il avait envie de voir son côté fragile comme son côté fort... Il voulait être quelqu'un pour elle, mais surtout il voulait qu'elle soit quelqu'un pour lui.

Soudainement, l'envie de connaître son nom devint irrépressible. Il sentait la question bouillonner dans son cerveau, tournoyer ad nauseum. Pourtant il devait tirer la bride à son imagination et à son instinct. Il voulait en savoir plus sur elle, mais peut être ne voulait-elle pas en savoir plus sur lui... Il se sentit retomber sur terre pour la troisième fois en quelques minutes. C'était horriblement frustrant.

Et au moment où il abandonnait tout espoir de signifier quelque chose d'autre pour elle que "le gars qui s'est fait engueuler à Pigalle", elle parla. Elle le fit mentir. Comme si elle pouvait lire dans ses pensées. L'idée le fit frémir de terreur. Il n'avait rien à se reprocher, ses pensées étaient chastes puisqu'il l'était lui-même, mais c'était si dérangeant de se sentir aussi nu face à quelqu'un, il ne manquerait plus qu'elle lise dans ses pensées!

"And...you ? Why are you here....like that..."

Pour la première fois, il quitta ses yeux pour voir ce à quoi elle faisait référence. Ses habits. Ses haillons pour être plus précis. Ces fripes qu'il avait glanées ici et là, et la couche épaisse de crasse graisseuse sur sa peau récoltée au gré de ses siestes sur le bitume gras et rêche. Inacceptable..

"And with your accent....where do you come from?"

Il se sentit nu. Complètement nu. Elle était si élégante, si distinguée, et lui si... Clochard... Qu'il en était honteux. Il en rougit, même. Sous la couche de crasse, le sang vint à ses joues et fit ressortir ses tâches de rousseur à peine visibles jusqu'à lors.

"I'm-ah... Kinda... Homeless, as it seems. I errr... I'm from Cork County... Ireland... And errr... I..."
(VF: Je suis euh... En quelque sorte... SDF, on dirait. Je euh... Je viens du comté de Cork... En Irlande... Et euh... Je...)

Il balbutiait, c'était insupportable même pour ses propres oreilles. Il se sentait si désarmé et stupide qu'il ne savait plus ou se mettre, se dandinant d'un pied nu sur l'autre.

"Oh, by de way I'm Alban O'Mur...Phy. Nice to meet ye ma'am." Dit-il en s'inclinant poliment, une main sur le coeur comme on lui avait appris qu'il était d'usage face à une Lady.
(VF: Oh, au fait je suis Alban O'Mur...Phy. Heureux de faire votre connaissance madame.)

Il aurait tout aussi bien pu lui baiser la main, mais vu son niveau d'hygiène, ç'aurait été un affront. Elle l'aurait sûrement mal pris, et rien qu'à cette distance elle devait aussi bien sentir son odeur dégoûtante qu'il pouvait sentir la sienne, envoûtante. Il ne savait pas comment s'y prendre. Paris était une ville gigantesque pour un garçon de la campagne de Cork. Les chances qu'il retombe sur cette jeune femme étaient incroyablement minces. Il était impossible qu'il la laisse partir. Impossible.

*Trouve quelque chose à dire, vite!*

"Err... And eh... What's ye name ma'am? I don' mean no offence, right? Ye isn't forced to answer..."
(VF: Euh... Et hum... Quel est votre nom madame? Je ne cherche pas à vous offenser, hein? Vous n'êtes pas obligée de répondre...)

C'était proprement adorable se malaise. Elle avait le cerveau tout embué et le cœur qui battait d'excitation d'une nouvelle rencontre. Angeal a une passion pour les gens qui sortent de l'ordinaire, et lui, c'était le cas. Elle tourna légèrement la tête sur le coté gauche sans le quitter du regard, pour mieux l'écouter et se concentrer sur lui. Il était si différent, si timide, si pure... Certes elle était sur qu'il s'intéressait à sa beauté, mais elle voyait dans ses yeux que ça n'avait rien de pervers comparé à la troupe de gens qui arpentait Paris.
Elle se rendit compte de son geste qu'après qu'il se soit lui même regardé, c'était assez maladroit comme question et comme façon de présenter la chose. Elle lui sourit l'air désolé d'avoir présenter la chose comme telle. Angeal c'était le genre maladroite parfois, ça lui arrivait de déraper sur ses paroles ainsi que sur ses gestes, comme là...

Puis se fut le comble du comble. Il se mit à rougir. Et même sous la saleté accumulée à cause de la pollution de Paris, ça se voyait, et ça restait proprement adorable. Enfin adorable....un homme qui rougit, pour Angeal, ce n'est pas adorable, c'est à bouffer tout crue. Elle leva un sourcil et soupira discrètement l'air rêveur et complétement en train de fondre sur ce visage sublime de gène et de timidité.

"Seigneur Dieu. C'était pour compenser ce porc de Lucien? Je crois que je vais mettre un cierge à notre Dame de Paris."

Puis elle fut tirée de sa rêverie par la réponse de l'inconnu aux beaux yeux. Ah quel accent, elle ne comprenait qu'un mot sur deux mais elle trouvait ça absolument sublime. Elle ouvrit de grands yeux outré au mot "Homeless".

"QUOI ! UN HOMME AUSSI MIGNON SANS MAISON ?! C'est pas possible, tu fais d'la merde là Dieux. Oupah en fait...tu l'as mis sur mon chemin...j'vais pas laisser passer ça ! Ne laisse pas passer ça !"

C'était toujours aussi adorable de le voir chercher ses mots comme ça...Puis il se présenta, d'une façon plus que polie et galante. Elle en eu un mouvement de recul, après tout ce n'est pas comme si on se présentait à elle de la sorte d'habitude, surtout pas les français... Elle porta une main contre sa poitrine en le regardant l'air touché d'un geste qui semblait normal venant de lui.

"Oh son nom...Alban...c'est....pas commun...c'est simple...agréable...pure...charmant...comme lui en fait."

Il faudrait qu'elle se présente aussi, elle n'y avait même pas pensé...quel manque de savoir vivre. Certainement à force de vivre dans le tumulte de Paris by Night. Mais ce n'était pas une excuse. Mais avant qu'elle ait pu prendre la parole, il la lui reprit pour lui demander son nom de cette façon si mignonne de bégayer.
Elle lui adressa un magnifique sourire tout ce qu'il y a de plus simple et de pourtant magnifique.

"Sans trop ouvrir la bouche, il ne faudrait pas le faire fuir avec tes deux demis aiguilles à tricoter qui te servent de canines. C'est d'ma faute peut être ?"

- You don't offence me, it's a pleasure to meet you and to answer you too.
(Vous ne m'offensez pas, c'est un plaisir de vous rencontrer et de vous répondre aussi.)

Elle se tourna bien comme il faut vers lui et planta ses yeux verrons si fascinants et dérangeants dans ses magnifique yeux bleu.

- I'm Angeal Angélic de Larche. Please to meet you.
(Je suis Angeal Angélic de Larche. Un plaisir de vous rencontrer)

Elle le gratifiât d'un autre sourire à la fin de sa phrase. Puis elle reprit son sérieux avant de continuer.

- You're Homeless you said...so...I know you don't know me but...
(Vous êtes sdf vous dites...eh bien...Je sais que vous ne me connaissez pas mais...)

Elle cherchait visiblement son vocabulaire en regardant de droite à gauche et en tripotant ses doigts.

- If you want...mh...come with me in my...apartment to eat, take a shower and sleep....
(Si vous voulez..mh...venez avec moi à mon...appartement pour manger, prendre une douche et dormir...)

Elle fit un geste vers un endroit pour lui faire comprendre que s'il le désirait il pourrait la suivre jusqu'à chez elle. C'était très maladroitement parlé, et elle espérait se faire comprendre avec une petite moue qui plissait le coin de ses lèvres.

C'était peut être un tord de faire confiance à ce point à un inconnu mais...il y a des choses comme ça, des rencontre, que l'on explique pas, et qu'on ne peut laisser passer.

"You don't offence me, it's a pleasure to meet you and to answer you too."

Les légères maladresse dues à son accent et à sa connaissance théorique de l'anglais sonnaient comme un concerto de piano dans les oreilles d'Alban. C'était comme s'il redécouvrait l'anglais, cette langue qu'il avait appris à haïr car elle était parlée par l'ennemi, car elle avait été implantée de force dans son magnifique pays. C'était une autre interprétation de la langue, une autre façon de mettre les intonations, un autre accent, et c'était comme si elle ne parlait pas le même langage que les Tans. Alban avait fini par assimiler les intonations et le vocabulaire d'Angleterre sans s'en rendre compte.

Et comme un rayon de soleil éblouissant, elle planta à nouveau son regard dans le sien. Il remarqua que ses yeux étaient légèrement différents l'un de l'autre. Des couleurs étranges, qu'il n'avait jamais vues. Et quelque chose dans les pupilles sombres, quelque chose d'inquiétant et à la fois d'infiniment rassurant, une intimité réconfortante semblait l'envelopper entièrement comme un cocon confortable.

"I'm Angeal Angélic de Larche. Please to meet you."

Et un sourire. Il ne put que l'imiter tant son sourire semblait contagieux.

"You're Homeless you said...so...I know you don't know me but... If you want...mh...come with me in my...apartment to eat, take a shower and sleep...."

Cette proposition, il la reçut comme un coup de poing. Il sentit tout l'air être expulsé de ses poumons et sa gorge se nouer. Il ne savait pas quoi faire. Il ne pouvait pas accepter, c'était très impoli surtout qu'il lui était déjà redevable, mais en même temps l'hospitalité ne se refusait pas, c'était dans sa culture et dans son éducation. Il ne savait vraiment pas quoi répondre, et il lui fallut presque une minute entière pour se rendre compte qu'il s'était arrêté de respirer.

Il reprit son souffle comme un plongeur d'apnée qui sort de l'eau. Les étoiles dansaient devant ses yeux, symptômes de son manque d'oxygénation, et il sentait ses genoux trembler.

*Te mettre dans un état pareil pour ça, oh, ressaisis-toi mon gars!*

Il se racla la gorge et passa une main gênée dans sa nuque poisseuse.

"Well... Errr... Mrs Deylarch ma'am, t'at is... Very kind o' ye... I mean, I don' know what to say... I'm just some homeless guy and well... Ye is very nice, really... Bu' I don' want to be a burden to ye... I just... I..."
(VF: Eh bien... Euh... Madame de Larche, c'est... Vraiment très gentil de votre part... Enfin, je ne sais pas quoi dire... Je ne suis qu'un sans-abri et, enfin... Vous êtes très gentille, vraiment... Mais je ne veux pas être un fardeau pour vous... C'est juste que... Je...)

Il soupira. Cette justification ne le mènerait nulle part. Il n'avait pas le courage ni la volonté de refuser son offre. Il était comme un chiot perdu dans les rues d'une ville sans nom, personne ne faisait attention à lui sauf pour l'insulter. Cette Angeal Angélic de Larche était véritablement la première personne à faire attention à lui en dehors des policiers, des dealers et des agents de la désinfection.
Ses épaules s'affaissèrent. Il était résigné, mais pas défait.

"I'd love to. I'll do whatever ye want to pay ye back."
(VF: Ce serait avec plaisir. Je ferai tout ce que vous voudrez pour vous revaloir ça.)

"T'es un boulet en langue étrangère, tu le sais ça? Eh oh, chacun son truc, moi c'est les domaines artistiques, je parle déjà limite le français parfois... Ah bah ça...Oh tais toi."

Ella arrangea son manteau noir à fourrure sur ses épaules en assimilant tout ses gestes, les formes de son visage, ses mimiques...
C'était comme si elle le connaissait depuis longtemps sans l'avoir rencontré. Vous connaissez ce sentiment qu'on ressent parfois avec une personne? Mais si elle se trompait, après tout elle ne l'avait jamais vu, alors se baser sur son intuitions...pourquoi lui proposer de venir chez elle? Un gars comme ça. Mais Angeal était quelqu'un qui se basait sur ses intuitions et son 6ème sens, et ça lui avait sauvé la mise plusieurs fois. La plupart des gens ne font pas attention à ça, mais elle elle avait été élevé comme ça, par une sorcière, sa sorcière de mère qu'elle aimait tant.

Elle le regarda de haut en bas avec un sourcil levé, il avait mal? Il souffrait ? Il n'arrivait plus à répondre et c'était arrêté de respirer. Angeal n'avait pas l'habitude d'être en face d'une telle situation, c'était toujours les gens qui venaient l'aborder avec une sureté absolue, jamais le contraire. Elle voulu s'approcher pour lui demander si tout aller bien, si il voulait de l'aide, mais il reprit son souffle et entama une réponse avant qu'elle ait pu réagir.

"Well... Errr... Mrs Deylarch ma'am, t'at is... Very kind o' ye... I mean, I don' know what to say... I'm just some homeless guy and well... Ye is very nice, really... Bu' I don' want to be a burden to ye... I just... I..."

C'était un peu contradictoire. Mais même si il parlait pour rien dire, puisqu'elle savait qu'il allait accepter, elle aimait l'entendre parler, avec son accent Irlandais. Elle détestait l'accent Américain, mais les accent du nord, elle adorait ça. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire à cause de ça. Mais son sourire venait aussi du fait de le voir faire tant de manière, il n'avait pas l'allure des clochards qu'elle avait l'habitude de croiser, en parlant d'allure je fais référence à ce qu'il dégage, et c'est ça qui lui plaisait. Elle savait pertinemment que c'était un loup, elle le sentait, peut être qu'il allait finir par la manger... Mais il lui plaisait. Elle aimait son aura aux couleurs jaune et bleuté, mais c'est surtout la partie bleuté au niveau de son cœur qui l'avait captivé...

"Son cœur pleure...pourquoi tant de tristesse...C'est quelqu'un de bien, maintenant je n'en doute plus. Si son aura le dit, l'aura ne saurait mentir. Nous sommes d'accord."

Et finalement, comme elle l'avait prédit, il accepta.

"I'd love to. I'll do whatever ye want to pay ye back."

Elle laissa s'échapper un petit rire cristallin et adorable d'entre ses lèvres rouge. Oui, il était mignon à en mourir, et à chaque fois qu'il parlait elle sentait son cœur faire un bon, c'était agréable, elle aimait sentir cette boule au ventre remonter jusqu'à la gorge, pas celle du stress ou de la tristesse, non celle de l'excitation, de la palpitation d'une nouveauté.
Cette discution avait attirée les regards de ceux qui la connaissait près du Folie's, et attisée leur jalousie. Mais elle s'en moquait bien, elle aimait la foule qui l'admirait mais ce n'était qu'une foule, lui, c'était Alban. Alban le loup sans maison avec de magnifiques yeux bleu, un minois charmant et une timidité accompagnée de galanterie à faire fondre un iceberg.

- You have no need to pay me back for the moment. I just want to help you.
(Vous n'avez pas besoin de revaloir ça pour le moment. Je veux juste vous aider.)

Elle haussa les épaules d'un geste qui semblait simple pour elle avant de reprendre.

- I don't do that for a....contre partie?
(Je ne fais pas ça pour une...contre partie?)

Elle grimaça légèrement signe qu'elle ne trouvait pas le mot en français, espérant que son interlocuteur la comprendrait.

- Maybe I just need a friend to speak with.
(Peut être ais-je juste besoin d'un ami à qui parler.)

Et cela sortit tout simplement, avec le plus simple des sourires qui ne pouvait mentir.

Elle rit, et c'était comme si le monde s'éclairait d'une nouvelle lueur, comme un rayon de soleil traversant un vitrail. C'était un rire pur comme de l'eau de source. Il avait l'impression d'entendre une petite fille rire, comme la petite Molly de son village. Le souvenir de Molly MacAllister semblait si lointain qu'il était déformé, lacunaire, comme s'il l'observait à partir d'une vitre opaque. Et pourtant le rire de ladite Angeal le faisait revivre comme s'il s'était passé la veille.

Tout son passé refaisait surface, alors que cette femme n'avait rien d'Irlandais. Mais il ne s'était pas senti autant considéré par un pair à deux jambes depuis des lustres. C'était nouveau et à la fois familier.

"You have no need to pay me back for the moment. I just want to help you."

Une bonne-âme, elle aussi? Comme Evelyn, comme la femme dont il s'était épris comme un fou pendant des années, il y avait de cela presque un siècle. C'était à peine croyable, pourtant c'était bien là.

"I don't do that for a....contre partie?"

Ah. La barrière des langues. De quoi voulait elle parler? Alban n'en avait aucune idée, et il n'était même pas capable de prononcer ce mot "conteparty" lui-même. Encore moins de le comprendre.
Il devait se mettre au français. Il devait apprendre la langue d'Angeal, pour pouvoir discuter avec elle, pour pouvoir lui parler de sa vie, pour comprendre quand elle parlerait de la sienne. C'était un fait inaliénable et toute sa volonté tirait vers cet objectif ultime: Apprendre le français.

"Maybe I just need a friend to speak with."

"And I'd be glad to speak wit' ye. I mean it. I jus' don' want to be a burden... Feel free to tell me if I'm gettin' too much curious for ye, but I'd really like to... Ye know... Get to know ye better."
(VF: Et je serai heureux de parler avec vous. Je le pense vraiment. Je ne veux pas être un fardeau, c'est tout... Si vous trouvez que je deviens trop curieux pour vous, n'hésitez pas à me le dire, mais j'aimerais vraiment... Vous savez... Apprendre à mieux vous connaître.)

Ce ne fut que lorsqu'il eut prononcé ces paroles qu'il se rendit compte de leur portée. Il fut soudainement terrifié qu'elle interprète mal ses intention.

Il s'empressa d'ajouter: "I-I...! I didn' mean... Get to know ye like, ye know... Like t'at, the all-too-manly way. I just feel like... I don' know. Sounds crazy but I've got the felling t'at I know ye. Or at least t'at I've already seen ye b'fore."
(VF: Je-Je...! Je ne voulais pas dire... Apprendre à vous connaitre comme... Vous savez... Comme ça, comme on l'entend souvent quand on est un homme. J'ai juste l'impression... Je sais pas. Ca peut paraître fou, mais j'ai l'impression que je vous connais. Ou au moins que je vous ai déjà vue.)

Elle avait décidément beaucoup de mal à le comprendre avec son accent, mais à chaque fois qu'il parlait ses yeux se mettaient à pétiller, c'était un tel plaisir de l'entendre. Ça lui faisait chaud au cœur, un peu la même sensation que lorsque l'on boit un chocolat bien chaud chez sa grand mère lorsqu'il pleut des cordes en automne, cette sensation de plaisir simple et de sécurité. C'était peut être idiot mais c'est ce qu'elle ressentait.

Elle fronça les sourcils pour tenter de comprendre ce qu'il disait, attrapant quelques mots au vol qu'elle comprenait pour former une phrase à peu près correcte qui avait du sens. A ce qu'il semblait, ça marchait pour l'instant...

"And I'd be glad to speak wit' ye. I mean it. I jus' don' want to be a burden... Feel free to tell me if I'm gettin' too much curious for ye, but I'd really like to... Ye know... Get to know ye better."

"Rhooo il est trop chou. Oui bon, ça va, arrête de faire ta gâteuse, c'est un loup mais c'est un pas un chiot abandonné dans un carton. Eh alors il est choux !"

"I-I...! I didn' mean... Get to know ye like, ye know... Like t'at, the all-too-manly way. I just feel like... I don' know. Sounds crazy but I've got the felling t'at I know ye. Or at least t'at I've already seen ye b'fore."

Et de plus il voulait bien la connaitre d'avantage, sans arrière pensés, c'est tout ce qu'elle voulait...en fin de compte ce n'était peut être pas une si mauvaise journée, si elle ne c'était pas faite virée, elle ne l'aurait pas rencontré.

- It's okay Alban, you're not a burden.
(C'est bon Alban, tu n'es pas un fardeau.)

Elle avait prononcé son prénom pour la première fois, et elle s'en félicitait. C'était un plaisir, un prénom chantant...doux... Elle avait envie de l'appeler juste pour dire son prénom.

"N'abuse pas des bonnes choses. Mh."

Elle ria tout doucement à nouveau, à peine audible.

- I thought the same thing, about the felling that I know you ! But I know I never met you before, it's just... elle haussa les épaules I don't know, a certaincy in me....
(Je pensais la même chose, à propos du sentiment de te connaitre ! Mais je sais qu'on ne c'est jamais rencontré avant, c'est juste...je ne sais pas, une certitude en moi.)

Elle s'avança d'un pas et prit son bras entre ses mains. C'était peut être un geste un peu attife mais elle en avait envie. Elle avait envie d'un contact humain et sans arrière pensée.

- So...you come with me? dit-elle sans lâcher son sourire.
(Alors....tu viens avec moi?)

"It's okay Alban, you're not a burden."

La manière dont elle avait dit son prénom, cette façon si douce de le faire rouler sur sa langue avec son accent français, c'était tellement beau qu'il en voulait plus. Il voulait lui donner plus, plus d'intimité, plus de promiscuité. Comme Alban était maladivement timide et trop poli pour un contact physique quelconque, il devait trouver autre chose. Lui signifier qu'il lui faisait confiance, qu'elle pouvait connaitre tout de lui en ne posant qu'une seule question. Il devait trouver un moyen de le lui faire comprendre. Quelque chose qui surpasserait la barrière des langues, qui transparaîtrait naturel et pas superficiel, quelque chose de profond et à la fois de clair.

"I thought the same thing, about the feeling that I know you ! But I know I never met you before, it's just... I don't know, a certaincy in me...."

Et soudain, elle s'approcha de lui. Son premier réflexe fut de se raidir comme un adolescent. Et lorsqu'elle passa son bras autour du sien, il se sentit instinctivement à l'aise. Ses épaules s'affaissèrent et ses muscles se détendirent. C'était comme si il avait été fait pour qu'elle se mette ici, à son bras. Malgré son odeur sans doutes horrible, malgré son haleine sans doutes malodorante, malgré son hygiène déplorable, son manque de sommeil, sa faim lancinante, ses lacunes terribles en français, son absence de but, d'ambition, de raison d'être, elle était à son bras.

"So...you come with me?"

Dès lors, la façon de lui montrer sa confiance et sa dévotion apparut d'elle-même.

Aux coins de ses yeux bleus comme le ciel du midi, sur ses cils incroyablement longs, et sur ses joues creusées et parsemées de poils de barbe roux épars, des larmes pures et brûlantes coulèrent. Il ne sut pas pourquoi il pleurait, et eut d'abord peur qu'elle s'en rende compte, peur d'avoir l'air d'un imbécile, d'un homme trop sensible ou d'un menteur car les hommes n'étaient pas sensés pleurer devant la première personne qui leur adressait la parole. Et puis il se dit que si elle était aussi belle à l'intérieur qu'elle l'était à l'extérieur, elle ne lui en voudrait pas pour ce moment de faiblesse.

Alors il laissa ses larmes couler librement, un sourire radieux sur ses lèvres charnues, un sourire qui faisait ressortir ses pommettes sculptées et briller ses yeux céruléens.

"Sure, let's go Mrs Deylarch, ma'am." Lui dit-il en se tournant vers elle, les trainées sinueuses de ses larmes brillant sur ses joues noires de crasse, révélant la véritable couleur de la peau en dessous: pâle, blanche comme celle d'un homme qui n'avait pas vu le soleil depuis bien longtemps.
(VF: Bien sûr, allons-y Madame de Larche.)

Elle le sentit se raidir et eu peur qu'il ne la rejète, mais tout compte fait, se fut le contraire. Une fois son bras enlacé autour du siens il se détendit, comme s'il s'abandonnait tout simplement à elle. C'était étrange comme sensation, étrange qu'un homme soit aussi craintif et proche à la fois, étrange comme elle se sentait bien à son bras. Et qui sait combien elle en avait pris de bras au cours de sa carrière, il fallait bien, c'était son gagne pain, et c'était pas si désagréable selon les personnes. Mais ceux de qui elle prenait le bras affichaient toujours un sourire satisfait qu'elle ne pouvait supporter. Alors que lui...

"Il pleure?"

Elle avait peur d'avoir fais une grosse bourde. Elle sentit son cœur se serrer et se mordit les lèvres. Qu'avait-elle fait ? Il ne fallait pas? Ça lui faisait mal? C'était insupportable ? Si on pouvait donner un exemple pour imager son esprit à ce moment là, un tas de fils d'ordinateur et de chargeurs emmêlés serait approprié.

"Eh merde...qu'est-ce que j'ai foutu encore!"

Elle voulue retirer son bras, mais lorsqu'il se tourna avec ce sourire...ce sourire...Elle l'enserra d'avantage. Il pleurait...de bien être? Pourquoi ça? C'était juste une fille....banale...si je puis dire...Enfin quelque chose entre eux c'était passé, c'était sur et certain, mais de là à pleurer. Quelle douceur. Elle avait envie de le serrer dans ses bras mais elle n'en ferait rien. Elle baissa la tête vers son sac et fouilla à l'intérieur d'une main pour en sortir un mouchoir. Puis se retournant vers lui, porta le mouchoir de coton blanc sur son visage pour essuyer ses larmes. Ainsi elle révéla d'avantage de peau blanche et plusieurs grains de beautés, c'était tellement chou. Elle sourit attendrit.

- You have a beautiful face.
(Vous avez un magnifique visage.)

Elle lui essuya l'autre joue et un peu du reste de son visage. Le mouchoir était marron de crasse mais ça n'avait pas l'air de la déranger plus que ça. Elle continuait de lui sourire. C'est fou comme les émotions de cet hommes, ses expressions, ses mots pouvaient la toucher sans qu'il ne fasse grand chose. A chaque fois c'était comme un coup de marteau dans le thorax, ça faisait mal, et c'était si bon à la fois. Il était rayonnant alors que la foule semblait sans visage, car c'est comme ça qu'Angeal voyait les gens de valeur, elle les voyait rayonner, en couleur, sortant du fade du monde et de ces couleurs assez dégoutantes il faut le dire. Elle jeta le mouchoir dans un poubelle environnante et se remit correctement à son bras.

- I have my car not far from here... Let's go!
(J'ai ma voiture pas loin d'ici...Allons y !)

Elle emboita le pas en passant devant un sexe shop avant de tourner dans une petite ruelle où était garée plusieurs voitures sur les cotés. La sienne? Une Smart Forfour bleu clair. Vous vous attendiez à quoi? Elle s'arrêta devant le coté passager et fouilla dans son sac sans lâcher son bras. Elle l'ouvrit et lui fit signe de monter en le lâchant, à contre cœur, il faut le dire. Elle aurait bien voulu continuer à lui tenir son bras, même s'il était sale, elle aimait tout simplement son contact.

Il vit dans ses yeux qu'elle avait un moment de doute. Peut-être que c'était trop, finalement. Le doute l'envahit lui aussi, l'espace d'un instant il se demanda s'il avait bien fait de laisser libre cours à ses émotions. Il fut tenté de se cacher derrière le sempiternel "j'ai une poussière dans l'œil" mais s'abstint assez longtemps pour qu'elle agisse.

Il la regarda faire alors qu'elle sortait un mouchoir de son sac et il sursauta légèrement lorsque ledit mouchoir entra en contact avec sa joue.

"You have a beautiful face."

Voilà. C'était inévitable. Les larmes finirent par s'arrêter, laissant place à une légère rougeur sur ses joues pâles et maintenant plus propres qu'elles ne l'avaient été en cent ans. Il se sentait à la fois très mal à l'aise et très rassuré. C'était difficile à définir, cette sensation de chaleur et de familiarité dans son cœur. Comme s'il était arrivé au bout d'un long périple, comme s'il était rentré chez lui, avec sa mère cuisinant son Stew, son père rentrant le cheval, la petite Molly jouant aux cow-boys dans la cour de la ferme, son père la surveillant de son air bienveillant... C'était comme si tous ces gens qui avaient mené sa vie, qui avaient influencé son destin, qui avaient forgé sa personnalité, comme si tous ces gens morts depuis longtemps lui soufflaient qu'il allait enfin pouvoir se reposer et panser ses plaies, celles qui faisaient saigner son cœur. C'était incroyablement rassurant.

"I have my car not far from here... Let's go!"

Ce ne fut qu'à ce moment-là qu'Alban se souvint qu'il y avait des gens autour d'eux. Et qu'ils les regardaient. Il baissa la tête et remonta le col de sa veste pour cacher le plus possible son visage, les mèches grasses de ses cheveux tombaient devant ses yeux encore rouges des larmes versées plus tôt, les dissimulant parfaitement sans trop réduire son champ de vision.

Ils passèrent devant une vitrine éclairée et étrange, à laquelle son instinct lui dit de ne pas prêter trop attention sous peine de découvrir des choses dont il n'avait vraiment pas du tout envie.
Quelques secondes ou peut être années plus tard, ils arrivèrent devant une de ces voitures qu'Alban taxait de "design" de par leurs lignes travaillées et futuristes. Il s'était souvent demandé à quoi ces voitures ressemblaient de l'intérieur et ce qu'elles avaient dans le moteur sans jamais avoir eu l'occasion de le vérifier par lui-même.

"T'at's a nice car ye've got here ma'am." Sourit-il alors qu'elle se dirigeait du côté tribord.
(VF: C'est une jolie voiture que vous avez là, madame.)

Il eut le réflexe de se mettre de l'autre côté, mais après examen plus minutieux de l'intérieur de la voiture, il se rendit compte que le volant était de ce côté, et donc que la place du passager était bel et bien à tribord... C'était donc pour lui qu'elle tenait la porte.

Il se sentit un peu ridicule, et émit un léger rire en se frottant le bras.

"Sorry, the wheel is on the other side in Ireland..." Dit-il en souriant d'un air gêné.
(VF: Désolé, le volant est de l'autre côté en Irlande...)

Il entra dans la voiture et s'assit sur le siège confortable. L'intérieur du cockpit était à la hauteur de la carrosserie. Il était intrigué, il y avait tellement de choses qui piquaient sa curiosité, dont il n'avait aucune idée de l'utilité. Il rabattit le pare-soleil d'un geste assuré car c'était la seule chose qu'il reconnaissait des voitures qu'il avait déjà vues en Irlande. Et c'est à ce moment-là qu'il vit son reflet dans le petit miroir du pare-soleil.

Il avait l'air exténué. Son visage était encore noir de crasse par endroits, ce qui faisait ressortir ses rides... Des rides qu'il ne se connaissait pas. En tant que Lycan il était sensé ne pas subir les affres de l'âge, mais il semblait que son psyché ait grandement influencé son corps. Peut être qu'il irait mieux maintenant? Qu'il rajeunirait? Il ne voulait pas abuser de l'hospitalité de Mrs Deylarch. Il resterait aussi longtemps qu'elle voudrait bien le supporter, et ensuite il partirait à la recherche d'un emploi et d'un logement. La rue ne le dérangeait pas, il avait même appris à la connaître et à l'apprivoiser, mais l'hygiène était un énorme problème, et une condition sine qua non pour trouver du travail.
Ses cheveux étaient graisseux et emmêlés. Il avait vraiment l'air d'un mineur Gallois, pour le coup.

L'image le fit sourire. Il rabattit le pare-soleil et croisa les bras pour éviter de salir la voiture avec ses doigts noirs comme de la suie.

"T'at's a nice car ye've got here ma'am."

Elle sourit, évidemment qu'elle était belle sa voiture, les économies qu'elle avait faite pour se la payer celle la ! Pas trop grande mais pas trop petite comme la smart, d'une couleur et d'un design qui lui plaisait. C'était sa voiture.

"Sorry, the wheel is on the other side in Ireland..."

Elle ria doucement.

- Yeah, I know, it's okay.
(Ouais, je sais, c'est bon.)

Elle contourna la voiture pour aller se mettre au volant, se collant à la voiture en attendant que celles qui passaient dans la rue soient passées. Quelqu'un la klaxonna et lui lança des proposition par la vitre mais sans s'arrêter. Elle se contenta de sourire vaguement et de monter dans la voiture. Elle avait l'habitude de ça aussi, parfois ils s'arrêtaient même, voir descendaient de la voiture, là par contre c'était plus problématique selon les personnes qu'elle avait en face d'elle. Ça c'était un des tributs à payer pour être parfaite. Ce n'est pas comme si elle avait quelque chose à craindre mais c'était assez fatiguant parfois.

Elle ferma la portière et prit les clefs dans son sac, avant de le poser sur la banquette arrière. Elle mit la clef dans le contact en soupirant.

- Thanks god I'm pretty... murmura t-elle à peine audible
(Merci Dieu je suis joli...)

Elle mit le contact et démarra la voiture. Elle regarda Alban un moment, une main sur le volant l'autre sur la vitesse. Il faisait vraiment pitié dans un sens, comme ça, tout couvert de crasse avec des vêtements en haillons. Elle sourit vaguement en pensant au compte de la belle et la bête, comme quoi les apparences peuvent être trompeuses. C'était pas totalement faux de penser à ça dans cette situation, elle était belle, resplendissante, lui il était sale, pas à sa place, replié sur lui même. Et c'est pour ça qu'elle était tombée sous son charme étrange et sauvage, son air déchiré et ses yeux magnifique qui n'attendaient qu'une main tendue pour lui venir en aide.
Elle passa la vitesse et se tourna, un bras sur le siège, c'était une habitude d'homme ça, mais elle l'avait prise pour faire marche arrière.

- You're a wolf...isn't it?
(Tu es un loup...pas vrai?)

Elle sortie de la ruelle en trois manœuvre et commença à rouler en prenant des raccourcis qu'elle connaissait pour éviter les bouchons parisiens. Elle se doutait bien que cette question allait le mettre mal à l'aise, elle le sentait maintenant qu'elle avait un peu capté ses réactions. Elle ne le regardait pas pour se concentrer sur la route, mais on sentait qu'elle faisait attention à lui.

- Don't worry about that. It's not criticism, it's usual for me.
(Ne t'en fais pas à propos de ça. Ce n'est pas une critique, c'est habituel pour moi.)

C'est vrai après tout, elle avait l'habitude d'en voir, parfois elle leur parlait un peu, mais rien de plus. Non pas qu'elle ne les appréciait pas, au contraire, mais elle n'avait trouvé personne avec qui se lier d'amitié. Bien qu'elle passait de temps en temps boire un verre dans le pub tenu par la louve dont elle ne se souvenait plus le nom. Certains vampires se seraient offusqués qu'une d'entre eux aille dans un repaire de loups, mais elle préférait aller là bas que fréquenter ces gens à l'esprit étriqué qui se prennent pour la race supérieur. Ça lui rappelait les Allemands et la race arienne.

Lorsqu'un klaxon se fit entendre, Alban sursauta et chercha la raison d'un tel bruit. Après plusieurs jours à Dublin, et deux semaines à Paris, il s'était habitué au tumulte de la ville. Il savait qu'à chaque fois que ce bruit tonitruant et agressif se faisait entendre, c'était pour signifier l'énervement d'un conducteur envers un autre, ou envers un cycliste, ou un piéton, ou un feu trop long... Ce bruit-là était synonyme de danger pour Alban, et plusieurs fois il avait fait confiance à ses réflexes de lycan pour sortir un piéton ou un cycliste, une fois même un motard, d'une mauvaise passe. Les gens le prenaient pour un fou de se jeter ainsi sous les roues des voitures pour pousser un piéton distrait ou pour rattraper un cycliste en déséquilibre, leur évitant ainsi une mauvaise chute, et parfois même de se faire écraser par une voiture.
Mais cette fois-ci, pas de piéton distrait, pas de cycliste trop lent, pas de feu rouge trop long. Cette fois-ci, l'homme passa la fenêtre ouverte en hélant Mrs Deylarch d'une manière qui lui sembla bien peu courtoise.
C'était à la limite de l'intolérable. S'adresser ainsi à une Lady de cette stature... Lorsqu'il commençait à méditer l'idée de sortir de la voiture et d'aller apprendre au chauffard malpoli les bonnes manières, elle entra, et il se souvint de l'endroit d'où il l'avait vu sortir. D'une boîte de nuit.
Elle devait être une idole, et donc avoir son lot d'admirateurs stupides et moins stupides. En l'occurrence, le chauffard avait l'air particulièrement bas de plafond. Mais elle devait y être habituée.

Cette idée fut renforcée par ce qu'elle dit quand elle entra dans la voiture.

"Thanks god I'm pretty..."

Un petit sourire gêné fit son apparition sur ses lèvres épaisses. Il agissait comme une jeune fille, cette image le hantait de plus en plus. Pourtant c'était ainsi qu'il avait été élevé. Dans les collines pentues de l'Irlande profonde, dans ce pays balayé par le vent et les pluies torrentielles 350 jours par an, entre les vaches et les moutons, le houblon et l'orge, les blettes et les chevaux, il n'y avait guère de place pour faire des chichis. Quand on poussait la porte du pub du village, quand on posait le pied sur le porche de la Chapelle, quand on allait faire ses emplettes chez le cordonnier du coin, on venait tel qu'on était. Sans artifices, sans maquillage, sans beaux habits. Les agriculteurs irlandais avaient cette qualité qu'ils n'étaient pas superficiels. Ils étaient profonds, ils mentaient rarement, ils ne se méfiaient pas les uns des autres grâce à cette règle muette mais connue de tous: être soi-même.
Une personne fausse se faisait sentir à cent mètres à la ronde tant les hommes bourrus et les femmes travailleuses étaient dans le vrai.

"You're a wolf...isn't it?"

La question le sortit de sa méditation, lui faisant réaliser la promiscuité de leurs corps. Elle avait posé sa main sur son siège, tournée vers l'arrière, et même si elle ne le regardait pas, il savait que son attention était dirigée vers lui.

*De toute façon y a personne d'autre dans cette voiture, à qui tu veux qu'elle parle?*

Il ne savait pas trop quoi répondre. Est-ce qu'elle savait? Sentait-il si mauvais que ça au point qu'elle devine qu'il n'était pas plus humain qu'un chien de berger? Il renifla discrètement son aisselle pour vérifier, et l'odeur de graisse, d'essence et de pollution lui picota les narines. Comment aurait-elle pu deviner? A moins que...

"Don't worry about that. It's not criticism, it's usual for me."

"Ye mean..." Murmura-t-il en la regardant, les sourcils légèrement froncés. "Ye mean ye know some other people... Like me? Like... Wolves?"
(VF: Vous voulez dire... Vous voulez dire que vous connaissez d'autre gens... Comme moi? Des... Loups?)

En plus d'un siècle d'existence, Alban n'avait jamais entendu parler de gens possédant la même tare que lui. Il pensait être une aberration, une erreur de la nature, un être unique affligé de cette malédiction qui, en contrepartie de sens plus développés, l'affligeait d'un instinct animal, d'un schéma de réflexion animal et surtout de l'incapacité à trouver la mort? Il n'avait rien avalé depuis des semaines, et pourtant il était toujours en vie et en pleine forme. Il avait vu les années se succéder, les guerres et les morts, et pourtant le Seigneur n'avait pas daigné le rappeler à lui.

"Do they exist? People like me? I'm not the only one?"
(VF: Ils existent? Des gens comme moi? Je ne suis pas le seul?)

L'excitation se fit sentir dans sa voix. Il n'avait plus à se sentir seul, il ne serait plus jamais privé de ce sentiment d'appartenance qui l'avait autrefois lié à tous les habitants de son village, à tous ces hommes qu'il avait menés au combat contre les anglais. Il ne serait plus rejeté, pourchassé, exclu ni par les loups ni par les hommes. Il n'aurait plus à choisir entre une vie d'animal et une vie d'humain. Il existait d'autres gens comme lui.

Il passa le dos de sa main sur son front. Il vivait dans le mensonge depuis des décennies. C'était un vent nouveau qui soufflait sur sa vie, qui poussait le navire de ses tribulations vers une crique accueillante où il pourrait se reposer.

Il se tourna soudainement vers Mrs Deylarch. Comment avait-elle pu sentir qu'il était un loup? Une idée dérangeante et terrible germa dans son esprit.

"Errr... Ye's... Ye's... A wolf, too? Or... Somet'ing else entirely?"
(VF: Euh... Vous... Vous êtes... un loup, vous aussi? Ou... Quelque chose d'autre?)

Elle avait réussis à se faufiler sans mal entre les bouchons de Paris pour atterrir sur une route plus calme et un peu plus boisée. Elle avait prit la direction de Plessis Robinson, c'est là bas qu'était son appartement. C'était bien à 30minutes de Paris centre en voiture mais, même si c'était assez dur de faire tout ce chemin chaque matin, elle s'en foutait. Elle était loin du tumulte de la ville, loin des fous en voiture, loin des lumières aveuglantes, et loin des débiles mentaux qui lui faisaient des propositions indécentes.

"Ye mean ye know some other people... Like me? Like... Wolves?"

Elle lançait parfois des regards en coin à Alban pour lui montrer son intérêt pour ce qu'il disait et faire office de présence. Mais c'était également pour voir ses réactions et surtout voir son visage anguleux et pourtant si doux qu'elle aimait tant. Il avait l'air excité et à la fois perdu. Se croyait-il le seul lycan? Elle ne pouvait pas lui en vouloir, après tout elle avait bien passé plus de 50ans à croire qu'elle était la seule à s'être transformée en cette chose, un vampire. Elle avait finis par croire que c'était une sorte de malédiction ou au contraire qu'elle avait été élue. Mais après avoir rencontré l'un des siens, elle avait enfin su d'où elle venait.

"Do they exist? People like me? I'm not the only one?"

Évidemment qu'il n'était pas le seul. Elle en avait rencontré plusieurs, notamment au fameux pub tenu par la louve. C'est là qu'ils se rencontraient le plus souvent, c'était une sorte de club lupin en fin de compte. Elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une sorte de pointe au cœur, en imaginant ce beau jeune homme seul et perdu dans ce monde, se croyant maudit ou quelque chose comme ça. Mais quelqu'un d'aussi adorable ne pouvait pas être maudit, c'était impossible, cela aurait été une injustice impardonnable.
Puis l'excitation qu'elle sentait dans la voix d'Alban fit place à une atmosphère tendue et mal à l'aise. Elle tourna son regard pour croiser ses magnifiques yeux bleu tempête.

"Errr... Ye's... Ye's... A wolf, too? Or... Somet'ing else entirely?"

Un mal aise s'empara de son interlocuteur, et visiblement celui-ci était contagieux, elle ressentit bien vite le même mal s'emparer d'elle. Depuis la nuit des temps les lycans et les vamps étaient ennemis mortels, voués tout d'eux à se battres jusqu'au sang et à la destruction. Du moins c'était surtout vrai pour les Sangs Froids. Pour les enfants des ténèbres comme elle, c'était un peu différent. Les Sangs Froids et les lycans ne peuvent pas se supporter, leur odeurs est insupportable l'un pour l'autre et ils se vouent une haine ancré comme dans du marbre. Alors que sa race se fout bien des loups, tant qu'ils ne viennent pas interférer dans leur affaires, tout va bien. Bon évidemment ils ne les portent pas dans leur cœur, ils se croient une race tellement noble, qu'en face avoir un humain qui se transforme en sac à puce baveux ça leur hérisse un peu le poil. Elle se racla la gorge de gène. Comment allait-elle lui présenter la chose?

"Je sais pas...va y doucement...d'abord explique lui pour les loups et fait doucement avaler la couleuvre."

Elle soupira.

- No you're not the only one. There are many wofves in Paris, but most of them are in the Irish Pub in Paris Centre. The O'Séamus.
(Non tu n'es pas le seul. Il y a plusieurs loups à Paris, mais la plupart sont dans le pub Irlandais à Paris Centre. Le O'Séamus)

Elle avait du mal à le prononcer, mais à force que la patronne reprenne les clients français elle ne se débrouillait pas mal pour le dire. Il fallait lui dire, elle allait pas le laisser avoir la mauvaise surprise. Elle soupira à nouveau discrètement.

- I'm not...a wolf... Maybe when I'll tell you what I am you'll want to leave, and you will be free to leave. But I....I'm not...bad...I don't want to hurt you...on the contrary.
(Je ne suis pas...un loup...Peut être que quand je te le dirai tu voudras partir, et tu seras libre de partir. Mais je....je ne suis pas...mauvaise....je ne veux pas te blesser...au contraire.)

Elle prit une grande inspiration.

- I'm a chil of darkness, I'm... elle se lécha les levres d'un geste géné I'm a vampire.
(Je suis un enfant des ténèbres, je suis...je suis un vampire.)

"No you're not the only one. There are many wofves in Paris, but most of them are in the Irish Pub in Paris Centre. The O'Séamus."

L'excitation était palpable. Alban réalisait qu'il n'était plus seul. C'était Dieu qui avait mis cette femme sur son chemin, car il aurait pu errer encore longtemps dans les rues moites de Paris en se pensant unique et monstrueux.
Un pub irlandais. C'était presque trop beau. Non seulement il n'était pas le seul à se trainer cette malédiction, mais en plus le quartier général de ses semblables était un pub irlandais. C'était magnifique, transcendant. Insupportablement parfait.

"I'm not...a wolf... Maybe when I'll tell you what I am you'll want to leave, and you will be free to leave. But I....I'm not...bad...I don't want to hurt you...on the contrary."

"T'en what are ye?"
(VF: Alors qu'êtes-vous?)

"I'm a child of darkness, I'm... I'm a vampire."

L'esprit d'Alban se vida de toute pensée l'espace d'un instant. Il la fixa, un sourcil légèrement relevé, son visage reflétant l'image même de la perplexité.
Et comme le calme avant la tempête, comme l'œil du cyclone, ce moment de blanc laissa place à une inondation de questions dans sa tête. Elles étaient tellement nombreuses qu'il ne savait pas par laquelle commencer. Devait-il avoir peur? Devait-il la haïr? Devait-il la fuir? Pouvait-il lui faire confiance ou la combattre? Il ne savait plus quoi dire, quoi faire. Les questions s'entrechoquaient dans son crâne au point de lui donner la migraine. Tant de choses nouvelles d'un coup, c'était à la limite du supportable.

Elle était un vampire. Oui. Mais elle n'avait pas la même odeur que ceux qu'il avait rencontré jusque là. Son odeur à elle n'avait rien d'agaçant ni de menaçant. C'était une odeur agréable de sauvagerie et de volupté. Et elle n'avait pas les yeux de cette couleur qu'il haïssait plus que tout au monde, celle qui avait recouvert ses mains lors de sa révolution, lors de la mort de son aimée, lors de la disparition de son visage.

Ses yeux à elle étaient beaux.

Elle ne pouvait pas être la même chose que ces monstres sanguinaires et stupides qui hantaient les rues de Dublin. Non. C'était impossible.

"If ye is a vampire... Why did ye let me into yer car?"
(VF: Si vous êtes un vampire... Pourquoi est-ce que vous m'avez laissé rentrer dans votre voiture?)

Il semblait tiraillé entre dix mille questions vitales.

"Why didn't ye kill me? And why don' ye have red eyes? And why don' ye smell like teh rest of 'em?"
(VF: Pourquoi ne m'avez-vous pas tué? Et pourquoi vous n'avez pas les yeux rouges? Et pourquoi est-ce que vous ne sentez pas comme eux?)

Il la regarda encore plus intensément, ses prunelles couleur saphir semblant lire directement dans son âme.

"I... I jus' don' understand..."
(VF: Je... Je ne comprend pas...)

Il avait l'air aussi perplexe qu'effrayé. En même temps, comment ne pas l'être avec une telle révélation. Ça n'allait pas se passer comme "Oh au fait j'suis un vampire !" "Ah ouais ! C'est cool ! Soyons amis!" Non ça, c'est un mauvais film pour les adolescents pré-pubères. Qu'allait-elle faire? Et si il devenait violent ? Il n'en avait pas l'air mais sait-on jamais. Et si il fuyait ? Ce serait quand même dommage alors qu'elle vient de le rencontrer.

"If ye is a vampire... Why did ye let me into yer car?"

Elle n'avait même pas le temps de répondre qu'il l'assaillait de questions, et qui pouvait lui en vouloir. Il avait apparemment passer toute sa vie tout seul, les loups et les vampires étaient sensés être ennemis, alors pourquoi tout d'un coup un vampire lui proposait l'hospitalité et l'invitait à la suivre? Étrange voir effrayant, ça ressemblait presque à un film d'horreur où un homme bien polis invite une jeune fille à la ramener chez elle et s'arrête dans un bois pour la découper en morceau avant de l'enterrer. Sauf que les rôles seraient inversés...

"Why didn't ye kill me? And why don' ye have red eyes? And why don' ye smell like teh rest of 'em?"

Apparemment il avait déjà rencontré l'autre race, la race boule disco comme les appelait Angeal. Pour elle c'était des faux vampires, briller au soleil comme une boule à facettes....mais n'importe quoi sérieusement...

"I... I jus' don' understand..."

Effectivement, les enfants des ténèbres ont tellement l'habitude d'agir dans l'ombres, de se faire discret voir pratiquement inexistant, que seul les habitués étaient au courant. C'est un peu comme un ordre d'assassin de vampire en gros, toujours là mais jamais visible. Elle soupira, rassurée qu'il n'ait pas pris la fuite, puis prit une grande inspiration.

- 'cause I'm not the same vampire than them. There are two kind of vampire. Les Sangs Froids, Colds Blood, with red eyes, without beating heart and they... elle fit un geste d'une main
...sparkling. And there are Children of darkness, or Akasha's children, like me. I'm a vampire with a beating heart, I keep my eye's color and I burn if the sun touch me.
(Parc'que je ne suis pas la même vampire qu'eux. Il y a deux sorte de vampire. Les Sang Froids, avec les yeux rouges, sans battements de cœur et ils...étincelles. Et il y a les enfants des ténèbres ou enfants d'Akasha, comme moi. Je suis un vampire avec le cœur qui bat, je garde ma couleur d'yeux et je brule si le soleil me touche.)

Elle passe nerveusement sa main sur sa nuque avant de la reposer sur le volant. Elle regarda Alban en coin.

- I'm not your ennemy. Children of darkness don't care about wolves... but me I like wolves like every humans, or vampires who are nice...
(Je ne suis pas ton ennemie. Les Enfants des Ténèbres ne s'intéressent pas aux loups...mais moi j'aime les loups comme tous les humains ou vampires qui sont gentils...)

Elle se sentait tellement mal. C'est vrai qu'à y repenser c'était un monstre nocturne et buveur de sang mais, elle n'avait jamais tué personne. Elle n'aurait pas pu. Elle venait de rencontrer quelqu'un d'admirable avec qui elle espérait avoir une profonde amitié, et d'un coup, elle avait peur de le perdre à cause de ça...C'était peut être une malédiction après tout... Elle déglutit et humidifiant ses lèvres d'un tic nerveux, et à cause de la boule à son estomac.

"cause I'm not the same vampire than them. There are two kind of vampire. Les Sangs Froids, Colds Blood, with red eyes, without beating heart and they... sparkling. And there are Children of darkness, or Akasha's children, like me. I'm a vampire with a beating heart, I keep my eye's color and I burn if the sun touch me."

Il existait donc deux races de vampire bien distinctes. Il avait appris à haïr ces choses aux dents blanches et aux yeux rouges. Il avait appris à les fuir, à les craindre et à les détester. Son esprit avait immédiatement fait l'analogie. Un vampire était forcément un être malfaisant et nauséabond, avec des yeux rouges, une soif de sang inextinguible et répandant mort et désolation sur son sillage. Mrs Deylarch était à l'exact opposé de cette description.

Elle était belle, son odeur était envoûtante, ses yeux emplis de douceur et de mélancolie, son corps appelait au désir et à la sensualité, deux sensations qu'il n'avait pas ressenties depuis presque un siècle. Elle était autre chose, une entité à part, un être étrange et inexplicablement parfait comparé au corps difforme et répugnant des êtres aux yeux rouges.

"I'm not your ennemy. Children of darkness don't care about wolves... but me I like wolves like every humans, or vampires who are nice... "

Non, elle n'était définitivement pas un vampire au sens biblique du terme. Il laissa le temps à cette réalisation d'investir son esprit. Il n'avait pas à la craindre. Et puis, de toute façon, même si elle lui voulait du mal (ce dont il doutait énormément), il n'avait rien à perdre. Il préférait mourir des mains d'une créature aussi majestueuse et magnifique que de celles d'un être biscornu et puant comme ceux qu'il avait eu la malchance de croiser jusqu'ici.

Il vit qu'elle était mal à l'aise. Elle devait attendre une réponse de sa part. Il ne savait pas quoi dire.

"Ti's... Ti's alright. Ye seem kind and caring. T's'all I've ever wished for. In the end, I don' give a damn if ye's a vampire or even teh queen of England. I wouldn' mind if ye was a fuck'n Tan either. I'm jus'... Tired of running after somet'ing I can't seem to reach. And I don' even know what it is. T'anks very much for yer hospitality, Mrs Deylarch. T'was all I've ever wished for. All I've ever wished for. Yep."
(VF: ça... ça va. Vous me semblez gentille et attentive. C'est tout ce dont j'ai toujours rêvé. Au final, j'en ai franchement rien à foutre que vous soyez un vampire, ou même la Reine d'Angleterre. Je m'en foutrais même si vous étiez un soldat Anglais. Je suis juste... Fatigué de courir après quelque chose que je n'arrive pas à atteindre. Et je ne sais même pas après quoi je cours. Merci beaucoup pour votre hospitalité, Mme Deylarch. C'était tout ce dont j'ai toujours rêvé. Tout ce dont j'ai toujours rêvé. Ça oui.)

Il ne savait plus trop s'il s'adressait à elle ou bien à lui-même. En tout cas le message était clair. Pourquoi ce traitement de faveur? Il n'en savait rien. Toutes ses certitudes s'étaient envolées en l'espaces de quelques secondes. Il n'était plus seul, tous les vampires n'étaient pas des monstres, et quelqu'un l'avait trouvé et allait s'occuper de lui.
Il lui sembla entrevoir les portes du paradis dans le ciel dégagé d'un Paris dont le tumulte semblait lointain et secondaire.

"I'm not alone anymore. Nope. Not anymore." murmura-t-il dans sa barbe hirsute.
(VF: Je ne suis plus seul. Ça non. Plus maintenant.)

Elle gardait les yeux rivés sur la route qu'elle avait quitté pour des rues. Ils venaient d'arriver en banlieue, les rues étaient calmes et désertes, la seule trace de vie qui se manifestait était un chat qui traversait un trottoir pour en rejoindre un autre, ou le bruit lointain d'une chouette. Elle déglutit imperceptiblement, ses magnifiques yeux verrons fixés sur un horizon que seul elle semblait discerner. Au premier regard, les mots d'Alban n'avait pas semblé lui effleurer seulement une émotion. Elle restait telle qu'elle, le visage neutre et pâle, avec ce visage empli de douceur, de tristesse et d'une solitude qu'on ne pourrait imaginer venant d'une personne comme elle. Et pourtant ce n'était que l'apparence d'une très bonne comédienne, car si elle montrait vraiment ses débordements d'émotions et qu'elle les laissait l'envahir, Paris aurait très vite fait de la dévorer.

Il lui semblait qu'il le prenait pour une sorte de messie, celle qui venait le sortir d'une pièce plongée dans l'obscurité, ou bien le remonter d'un ravin dans lequel il venait de glisser. Une main tendue pour le rattraper. Il ne se rendait certainement pas compte combien sa rencontre hasardeuse, l'était-elle seulement, était importante pour elle. On dit que certaines personnes sont destinées à se rencontrer, peut être que c'était le cas pour ces deux là. Se sentir si concerné par lui, elle avait certainement vécue une partie, voir plusieurs, d'une de ses vies antérieure auprès de lui.

" Peut-être...n'est-il pas seulement un homme comme les autres que ma charité d'un soir a poussé à aider....Non tu crois? Il ressort en couleur..."

Elle arrêta la voiture, toujours aussi silencieuse aux parole qu'Alban avait prononcé plusieurs minutes plus tôt, et toujours aussi visiblement impassible. Ils venaient d'arriver dans une petite cité, agréable, pas très riche, et c'était certainement mieux ainsi. Elle retira la clef et tourna doucement son visage vers lui. Lui qui semblait si impassible depuis la fin du discours d'Alban s'emplit soudain des émotions les plus perturbante venait d'une femme comme elle, venant d'une créature de la nuit, un vampire dit dénué de toute sensibilité. Une fine ligne rouge coulait de son œil gauche jusqu'au milieu de sa joue si doucement dessinée. Elle saignait, non, elle pleurait, car c'est ainsi que pleure les enfants des ténèbres.

- C'est stupide n'est-ce pas...It's stupid isn't it? Crying for that...
(..Pleurer pour ça....)

Son sang n'était pas nauséabond, bien au contraire. Il était brillant, étrangement brillant et envoutant. On aurait dit une larme de rubis, dont l'odeur rappelle à chacun une odeur hypnotique et rassurante qu'il connait, mais impossible à nommer.

- I'm a...strip teaseuse. But in the crowd, sometimes we feel more alone than unsually. I'm a wonderful as terrible...
(Je suis une...strip teaseuse. Mais dans la foule, parfois on se sent plus seul que d'habitude. Je suis aussi magnifique que terrifiante...)

Elle baissa d'un ton, murmurant presque.

- Humans are afraid of me, none want to stay with me longer. Are you afraid of me? I'm a monster...
(Les humains ont peur de moi, personne ne veut rester avec moi longer. Tu as peur de moi? Je suis un monstre...)

Elle se trouvait d'un ridicule absolu, s'ouvrir à cet homme qu'elle ne connaissait même pas. Surtout parler de cette manière, ce n'était pas son genre. Mais elle avait besoin de parler à une personne, une vrai. La foule anonyme qu'elle côtoyait, bougeant d'un rythme égal et commun tel des pantins, ne l'intéressait pas. Elle regardait Alban, le sourcils légèrement froncés, en attente d'une réponse qu'elle appréhendait.

Le mince filet de sang qui coula de l'œil de son épiphanie étonna Alban, mais ne le mit pas mal à l'aise. Depuis ses mésaventures d'un autre siècle, la vue du sang le rendait toujours un peu nauséeux, lui renvoyant des images insupportable de ses mains couvertes du liquide tant haï.
Mais cette couleur si vive et si tranchante sur un visage si pâle et doux était d'une beauté à couper le souffle. Le contraste était digne d'un chef d'œuvre de grand maître. C'était une étoile filante dans un ciel sombre et profond, c'était l'ombre du grand chêne sur le chemin rocailleux de la chapelle, c'était la croix dorée sur la couverture en cuir usé de la Bible du père Liam.
Il était si subjugué par ce tableau qu'il en perdit toute notion de réalité. Il était plongé dans un monde magnifique, un monde parfait où le danger et l'appréhension lui donnaient des frissons d'anticipation. A l'instar d'une Lucy Westenra, Alban sentait son corps s'embraser et son âme se consumer face à la tentation de simplement dévoiler sa carotide et fermer les yeux. Elle ne le mordrait pas, il le savait, et de toute façon il était un loup. Mais l'image, si insupportable quand l'oppresseur prenait les traits de n'importe quel sang-froid qu'il avait pu croiser ou imaginer, était loin d'être désagréable quand la douce demoiselle planterait ses canines acérées dans la chair tendre de son cou.

C'était une pensée horriblement érotique. Et la sensualité, l'érotisme étaient domaines à propos desquels Alban ne savait rien d'autre que ce qu'Oscar Wilde avait bien voulu coucher sur papier. Il était perdu, en flammes et perdu dans le reflet que lui envoyait cette fine gouttelette vermillon s'écoulant le long de cette joue si parfaite.

Sa rêverie aurait pu continuer très longtemps si la voix tant appréciée n'était pas venu l'interrompre.
Il l'écouta avec attention et soupira lorsqu'elle eut fini.

Il leva son index, lui faisant signe d'attendre, puis sortit une bande de satin doré de l'intérieur de sa chemise. Cet objet lui était cher, c'était évident.
D'un geste tendre et aimant, il passa la bandelette sous l'œil de la demoiselle, épongeant le sang épais dont le satin sembla s'imprégner presque instantanément.

"There ye go. Much better like d'at, ha?"
(VF: Et voilà. C'est mieux comme ça non?)

Il passa son pouce crasseux sur la joue glacée et douce sans s'en rendre compte.

"Like I told you b'fore, ma'am... I don' give a damn of what you are. I is a monster too, anyway. So we're two freaks on the loose it seems."
(VF: Comme je vous l'ai déjà dit, madame... Je me fiche de ce que vous êtes. Je suis aussi un monstre, de toute façon. Alors nous sommes deux bêtes de foire lâchées dans la nature, on dirait.)

Il lui sourit sincèrement, le genre de sourire qui vient directement du cœur et qui apporte de la chaleur et du réconfort même dans les pires situations. Un silence s'installa, et il le rompit en retirant sa main pour remettre la bande de satin à sa place, contre son cœur.

"But if ye want an answer, I'll jus' give you one: I'm not 'fraid of you. I'm very honored you offered to gi' me shelter. You is a good person to the core."
(VF: Mais si vous voulez absolument une réponse, je vais vous en donner une: Je n'ai pas peur de vous. Je suis très honoré que vous m'ayez proposé de m'héberger. Vous êtes une personne foncièrement bonne.)

Elle eu un petit mouvement de tête craintif lorsque le fin tissu puis son pouce toucha sa peau. Si froide et dangereuse, et pourtant si douce et craintive. On dit que ce sont les animaux les plus craintifs qui sont les plus dangereux, peut être y a t-il une part de vérité la dedans. Elle cligna trois fois des yeux avant de fixer son regard perçant à nouveau sur le loup. En parlant d'animaux craintif, n'y a t-il pas plus craintif qu'un loup ? Pourtant il avait l'air docile avec elle, tendre et compatissant. Mais après tout, qu'est-ce qu'un loup aurait-il à craindre d'un petit lapin blanc. Si bien sur on met de coté le lapin blanc des Monty Python.

Mais après tout elle avait toujours eu ce petit plus, ce petit quelque chose qui mettait en confiance les plus craintifs, animaux et humains compris. Petite elle pouvait caresser n'importe quel animal sans que celui-ci prenne la fuite ou qu'il ne l'attaque. Vous avez déjà réussis à caresser une biche en forêt vous ? Eh bien elle oui. Et pareil pour le chat des voisins qui fuyait au moindre bruit de pas humain. De un, si vous faites bien attention, elle vous regarde rarement dans les yeux, et si vous pensez qu'elle plante son regard dans le votre, elle le décale légèrement, oh c'est pratiquement imperceptible, car elle ne le fait pas longtemps. Elle finit toujours pas baisser le regard ou à regarder sur le coté après un clignement d'œil. Et de deux, elle tendra la main mais ne vous forcera jamais à la prendre. En fait elle avait tout d'un chat, des yeux sublimes et profond, une grâce naturelle, un charme mystérieux, une voix envoutante, un caractère libre et autonome et la crainte d'un geste trop brusque. Un chat et un chien, voyez vous ça.

Et cela ne manqua pas, elle baissa les yeux.

- That's....nothin'...it's...normal? Mh...I think...Mh Thanks. Maybe I'm not so good that you say but...
(Ce...n'est rien...c'est...normal? Mh..Je pense...Mh merci. Peut être que je ne suis pas aussi bonne que vous le dites mais...)

Elle haussa les épaules

- Thank you.

Le sourire du jeune homme avait mille fois l'effet d'une tisane bien chaude préparée par sa meilleure amie pour remonter le moral ou d'une couverture polaire lorsqu'il neige dehors. C'était un sourire sincère, dans un monde d'hypocrisie et d'apparence, c'était un rayon de soleil dans une vie destinée à être toujours vécue de nuit. Elle lui lança un bref regard avant de regarder sur le coté et ne pu s'empêcher de sourire en retour, en rougissant légèrement. Comment ne pas répondre à ce sourire par un autre sourire? Seul un monstre sans cœur aurait pu rester de marbre devant cette chaleur. Et quoi qu'elle pouvait dire, ce n'était pas un monstre. Et elle était peut être même plus humaine que les humains eux-même.

- We are... elle montra le bâtiment en face d'eux, arrivés. That's my home, here.
(Nous sommes...arrivés. C'est ma maison, là.)

Elle montrait la fenêtre du 3ème étage de son index fin dont l'ongle était vernis de bleu ciel.

Alban n'était pas vraiment très bon avec les gens. En fait, même à l'époque de sa première naissance - celle dans cette petite maison au toit de chaume et à la cheminée fumante, installée entre une étable et un silo à grain dans le fin fond de l'Irlande de la fin du XIXième siècle - il n'avait jamais véritablement brillé en société. Les rapports sociaux s'étaient arrêtés pour lui à renvoyer la balle quand elle s'égarait dans un match de Lacrosse, à échanger quelques mondanités avec les anciens à la sortie de la messe ou à discuter de la dernière récolte avec les vieux du pub de la ville. Les Irlandais de l'Irlande rurale de ce temps-là n'étaient en général pas très causants ni très souriants, mais certaines choses étaient sacrées. Il lui était arrivé de s'oublier, parfois. Les Crags tous les derniers mercredis du mois, qui rassemblait à la ville les habitants de tous les villages alentours, était un moment privilégié ou chacun mettait sa pudeur et sa timidité de côté pour passer une nuit à danser la gigue ou à taper du pied, des mains, sur les tables, sur les murs, sur le sol, sur tout ce qui pouvait produire du rythme ou de la musique.

Il se sentait un peu comme lors de ses premières Crags. Très réservé mais avec une envie lancinante de se lancer, de sauter sans parachute et d'oublier sa timidité pour profiter pleinement d'un rapport simple et millénaire: l'amour de la musique. Sauf que là, c'était autre chose. Il sentait bien qu'il avait envie de partager quelque chose avec cette jeune femme, mais il ne savait pas exactement quoi. Un coucher de soleil sur les falaises du Moher? La marée se retirant des Pas des Géants? Une session Crag à Temple Bar? Il n'était même plus sûr de sa propre identité, comment aurait-il pu lui faire partager quelque chose qu'il n'était même pas sûr d'avoir vécu?

*à moins que...*

Elle fuyait son regard et il était perplexe. Était-ce lui qui la mettait mal à l'aise comme ça?

- That's....nothin'...it's...normal? Mh...I think...Mh Thanks. Maybe I'm not so good that you say but... Thank you.

Il sourit et répondit comme par automatisme "Y'welcome."
(VF: De rien.)

Ensuite, elle leva la main, indiquant quelque chose au loin. Et Alban, lui, resta un long instant à fixer son doigt. Il était gracieux, fin et délicat, comme taillé dans un bloc de marbre de la meilleure qualité. C'était un doigt tout-puissant, un index divin comme celui de la chapelle Sixtine. L'irlandais perdit toute notion de temps dans cette contemplation.

Lorsqu'il sortit de sa torpeur, il eut un léger rire gêné et dit dans un français des plus maladroits:

"Quand le sage montre la ciel, le imbécile regarde le doigt."

Il passa sa main dans sa tignasse grasse et mal coiffée avant de sourire.

"Well... Shall we?"
(VF: Eh bien... Allons-y?)

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